Le lamantin rose bonbon c’est mon vilain petit canard à moi.

 

Un animal qui sort du lot. Depuis petit j’adore ces animaux qu’on a pu confondre avec des sirènes dans l’histoire et que j’ai pu apercevoir dans les eaux guyanaises. Je souhaite construire ce projet en m’inventant le mythe de ce lamantin rose bonbon. Un animal biologiquement proche de l’éléphant, que l’on appelle vache des mers, qui est physiquement imposant alors qu’il est inoffensif.

 

C’est une grosse sirène que l’on n’arrive pas à ranger dans une case.

 

Je suis né et j’ai grandi en Guyane française. J’ai compris que j’aimais les garçons très tôt mais il était inconcevable pour moi de pouvoir en parler parce que l’homosexualité est un tabou en Guyane. Personne ne dit rien à ce sujet, du moins jamais rien de bien. Il m’a fallu venir dans le sud de la France pour comprendre et accepter cette part de moi que je revendique aujourd’hui.

Certains parlent d’exils pédé, disent qu’il faut partir pour pouvoir être soi.

 

“Personnellement, il aura fallu que je traverse un océan pour pouvoir incarner les insultes que j’ai toujours entendu.”

 

En novembre 2024 j’ai eu l’occasion de pouvoir faire le stage “Performer l’intime” avec Rebecca Chaillon, au théâtre des 13 Vents - CDN de Montpellier. C’est un stage qui m’a ouvert les yeux sur l’importance que le lien entre mon homosexualité et mon enfance en Guyane occupe en moi. Le travail de Rebecca était déjà une grande source d’inspiration pour moi. Mais les rencontres, les échanges et les performances auxquelles j’ai pu assister ou que j’ai pu faire pendant cette semaine ont réveillé ce désir de parler, de dire, de briser le tabou de l’homosexualité guyanaise, et de mettre en lumière la beauté de l’amour que j’ai pour mon territoire.

D’un point de vue historique les libertés LGBTQIA+ restent jeunes : dépénalisation de l’homosexualité en 1982, mariage pour toustes en 2013, travaux de mémoires pour se souvenir des personnes homosexuel·les déporté·es lors de la seconde guerre mondiale en 2025, et le chemin est long tant à l’échelle nationale qu’à l’échelle de la Guyane.

Je me souviens avoir vécu l’adoption du mariage pour toustes comme une victoire. Et qui en était le visage ? Christiane Taubira : une guyanaise, ministre de la justice. Alors que pourtant sur place, en 2013, je n’entendais que des avis négatifs face à cette loi. Le combat continue aujourd’hui, douze ans plus tard. L’extrême droite prend de plus en plus de place en France, en Europe et dans le monde. De nombreuses figures politiques luttent pour faire abroger des lois pour lesquelles nous nous sommes battu·es.

 

“Le théâtre est politique et plus que jamais il faut mettre en lumière notre jeunesse.”

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Thibaut Nogara Granier